Regard sur différents types d'emballages

Année: 
2006

« Au bout de dix jours de grève du ramassage des ordures on ne sait plus où ranger proprement ses épluchures ou ses cartons à chapeaux. Des détritus, y’en a plein les trottoirs. Y’a pas besoin d’un microscope électronique pour y constater l’abondance des boîtes à chaussures, pots de yaourt et autres  emballages… Tant qu’ils finissent aux ordures, on n’est pas sortis de l’auberge… le tas de déchets ménagers par tête de banlieusard augmente d’année en année d’une bonne petite brouette. Et ça, ce n’est pas durable ».

 

Ainsi s’exprimait  Raymond, accoudé au zinc de « Chez Popol» où il soignait sa cirrhose en sirotant le pastis du soir à la santé du trou de la Sécu. Côté brèves de comptoir, la grève des éboueurs municipaux de Bouzin sur Nonnette lui donnait le premier rôle…

 

Le regard écolo pur, mûr, et dur sur les emballages et les gaspillages, c’était son truc à Raymond pour la frime et pour la drague. Et depuis une bonne semaine il savait en abuser de son regard. Ce soir il espérait emballer Thérèse, dans sa jeunesse miss Corrèze et pour l’instant fort occupée à boire à petites gorgées une tisane « Ginseng Gingembre », dopée au calva. Elle commençait à en ressentir les effets bienfaisants

 

« T’en sais vraiment des machins choses Raymond. Sur les saloperies qu’on balance  t’es un vrai chef. Raconte-moi encore la belle histoire…la Terre menacée par les ordures ménagères de six milliards de zombis dont nous deux…ou encore les gaspillages de matières. J’aime quand tu causes. T’as une belle voix tu sais ».

 

« C’est ouf ce que les parisiens jettent. Nous autres en  grande banlieue de Paris c’est tous les jours chasse au Gaspi. Me dis pas que tu balances les trognons de chou, ça se mange après traitement! Moi je les composte avec de vieux numéros du «Courrier Francilien»… en ajoutant de temps en temps un hebdo en quadrichromie… »

 

« C’est pour améliorer la saveur ? ».

 

« Affirmatif. Et je sers chaud à mon chien. Il adore. J’ai essayé et j’ai été conquis : c’est digeste et gouleyant ; maintenant j’en mange régulièrement ».

 

« T’es vraiment un authentique éco-mec. Moi je n’aime pas le chou, ça me donne des aigreurs, alors le trognon…mais si je l’aimais le chou, je le mangerais le trognon, je le croquerais je le malaxerais, je le brouterais, je ferais comme toi. T’as de belles dents tu sais ».

 

« Nos sociétés modernes ne savent plus que faire des canettes vides de Soda-Cola. Ni des boîtes à sardines usagées. La collecte sélective suivie d’un recyclage matière est top tendance mais c’est bonbon, bonjour les impôts locaux !…Si tu vois ce que je veux dire… »

 

« Alors tu fais quoi mon écolo-rigolo-gigolo ? Tu sais que cht’adore… »

 

« Pour régler le problème, il n’y a que deux solutions… Primo : la consigne. Pas évident pour les boîtes à sardines et ringard de chez ringard. Deuxio : un nouveau matériau d’emballage qui soit comestible. Y’a pas photo, c’est ça la bonne solution ».

 

Raymond fait la pause « boisson » car parler lui donne soif. Thérèse, qui le regarde avaler son pastis avec des yeux de carpe amoureuse, est absolument fascinée. Emballez c’est pesé, il est temps de concrétiser songe Raymond qui en rajoute quand-même quelques louches. Pour assurer le coup.

 

« D’après moi, le bon choix serait le papier goudronné,  le PAPIGOUDE : un produit qui allie étanchéité et qualités nutritives. Il n’y a pas que les chèvres qui le croquent avec gourmandise… »

 

« Même avec du goudron et des plumes, tu serais toujours à croquer» murmure Thérèse en fermant les yeux avec volupté.

 

« PAPIGOUDE est un complément alimentaire très apprécié par la vache allaitante, le chat de gouttière, le pou de corps et tous les animaux domestiques. Le bipède humain est capable d’en manger 300 grammes par jour. Le plusse gastronomique du produit : son bon goût de fumé façon charcuterie de montagne. Le léger inconvénient : l’allergie possible au goudron qui donne des boutons… »

 

« Tu causes comme un vrai technico-commercial machin…c’est chouette »

 

«Avec PAPIGOUDE, la question « qu’est-ce que je fais de cette chopine vide de Soda-Cola ?» serait réglée aussitôt posée. La vie deviendrait tout à coup plus simple : tu ouvrirais ta bouteille, tu la viderais et finalement tu la mangerais. Ce serait du recyclage alimentaire à la source. L’emballage devenu comestible ne serait plus un déchet, géré par les communes comme une ordure ménagère, mais une friandise…  Que de soulagements dans les cabinets des maires ! ».

 

« Super sympa. Il faudrait pour la ménagère un bon livre de recettes qui lui apprenne à cuisiner le papier sans le faire brûler, surtout s’il est goudronné. En court-bouillon peut-être ?... Mais ne me regarde pas avec ces yeux là…Tu me fais craquer sévère, je te trouve de plus en plus sexy avec ta gueule d’écolo-bricolo. J’en ai des frissons dans les lombaires et dans les sacrées.… Je n’arrive plus à t’écouter même si c’est passionnant ; tu me fais kiffer grave sur toi et même gravissime quand tu causes. J’en suis toute humide. Tu sais quoi ? Avec ton regard t’as foutu l’feu à mon p’tit cœur de midinette… Il brûle et bientôt il ne sera plus que braise…».

 

Raymond pense que maintenant il n’y a plus qu’à ferrer d’un bon coup sec après une phrase gonflette pour faire durer encore un peu le plaisir de l’attente. « Revenons aux emballages » Consommer du papier, goudronné ou pas, à tous les repas serait en prime tout bénéfice pour le consommateur : sa ration alimentaire deviendrait plus riche en fibres.».

 

« J’en peux plus d’attendre, je veux être embrassée tout de suite sur les paupières et sentir sur mes yeux mi-clos la chaude caresse de ton souffle anisé. Viens dans mon jardinet avec ton grand format. Nous jouerons à « savez-vous planter les choux » et tu ne les planteras pas avec le nez ».

 

« On va chez toi ou chez moi ? ». Raymond vient de ferrer, Thérèse n’attendait que ça.

 

« Comme tu voudras. Si tu n’as pas pensé aux emballages latex, j’en ai toujours une boite dans mon sac à dos. Et pour continuer sur le sujet… quand les latex auront été utilisés, je suis sûre que tu sauras comment les recycler ».

Jean-Claude TOURAY